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Société à l’IR : en cas de départ d’un associé, qui est redevable de l’imposition sur les bénéfices ?

13.01.2020 11:23 | Fidroit, Non classé

Le Conseil d’Etat apporte des précisions sur les stipulations d’un acte de cession de parts à prendre en compte pour déterminer les personnes imposables dans une société de personnes.

1. Ce qu’il faut retenir

Dans une société de personnes, seuls les associés présents à la date de clôture de l’exercice sont soumis à l’impôt sur le revenu.

​En présence d’un acte de cession présentant des stipulations contradictoires quant à sa prise d’effet, l’intention des parties doit être recherchée pour identifier les associés à la clôture de l’exercice.

2. Conséquences pratiques

En cas de cession de parts en cours d’exercice, quelles que soient les dispositions prises (exemple : répartition des résultats entre le cédant et le cessionnaire), l’intégralité du résultat reste taxable au nom des seuls associés présents à la clôture de l’exercice (c’est-à-dire le cessionnaire).

En effet, une répartition des résultats prorata temporis entre le cédant et le cessionnaire n’est pas opposable à l’administration pour l’assiette de l’impôt.

Exemple :

Un associé cède la totalité de ses parts sociales en novembre 2019. Dans l’acte de cession, lui et l’acquéreur se mettent d’accord pour répartir les bénéfices réalisés par la société de la façon suivante. Le cédant aura droit à 80 % des bénéfices et le cessionnaire à 20 % des bénéfices.

Cette répartition n’est opposable ni à la société ni à l’administration. Elle ne vaut qu’entre les parties. Le cessionnaire sera le seul à être présent à la clôture de l’exercice au 31 décembre 2019. Il sera donc le seul à être imposé sur la totalité des bénéfices réalisés, et non 20 %.

3. Pour aller plus loin

3.1. Contexte

Les associés d’une société de personnes sont imposables pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société à la date de clôture de l’exercice social. Lorsque l’associé est soumis à l’impôt sur le revenu, son imposition doit intervenir au 31 décembre de l’année en cours, peu importe la date de clôture. Les associés sont imposés même lorsque les bénéfices de la société ne sont pas distribués (exemple : lorsqu’ils sont inscrits en report à nouveau ou en réserves).

Lorsqu’un acte de cession confère aux associés des droits dans les bénéfices sociaux différents des droits prévus dans les statuts, il faut en tenir compte pour leur imposition. Toutefois, cet acte n’affecte pas la règle en vertu de laquelle seuls les associés présents à la date de clôture de l’exercice sont soumis à l’impôt sur le revenu. Autrement dit, en cas de cession en cours d’exercice, ce sera l’acquéreur des parts sociales qui sera imposable sur la totalité des résultats à la clôture de l’exercice.

Les associés ne peuvent donc pas se prévaloir d’une répartition des résultats imposables prorata temporis devant le juge pour justifier leur imposition. Toutefois, les stipulations relatives à la répartition des résultats imposables doivent être prises en compte par le juge pour apprécier l’intention des parties quant à la prise d’effet de l’acte de cession, et ainsi déterminer les associés imposables à la clôture de l’exercice.

3.2. Faits et procédure

M. A, M. B, M. C et M. D ont inscrit au bilan d’une société créée de fait un navire qu’ils détenaient en indivision en vue de son exploitation par la société. Après la cession du navire en année N, chacun des associés en a perçu le prix, en fonction de sa quote-part de propriété. La répartition du prix n’a pas été faite en fonction des droits qu’ils détenaient dans la société de fait au 31 décembre de l’année N.

Par une proposition de rectification, l’administration fiscale a remis en cause la répartition ainsi opérée. Elle a observé, en effet, que, selon un acte du 15 décembre de l’année N, M. A et M. B avaient cédé leurs droits sociaux dans la société de fait à M. C et M. D. A la lecture de l’acte, l’administration considère que la cession produisait ses effets au 31 décembre de l’année N.

L’administration a considéré que, en vertu de l’acte de cession des droits sociaux de la société de fait, seuls M. C et M. D étaient présents dans la société à la clôture de l’exercice. Ils étaient donc seuls redevables de l’impôt dû.
M. C et M. D ont demandé la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis. Le tribunal administratif de Montpellier rejette sa demande.

La cour administrative d’appel de Marseille confirme le jugement du tribunal administratif et M. C et M. D se pourvoient en cassation.

3.3. Arrêt

La Cour de cassation annule l’arrêt de la cour administrative d’appel et considère, à la lecture de l’acte de cession, que la cession produit ses effets le 1er janvier de l’année N+1. Elle considère que la cour administrative d’appel aurait dû tenir compte des stipulations relatives à la répartition des résultats imposables pour apprécier l’intention des parties et déterminer la date à laquelle la cession produisait ses effets.

3.4. Analyse

Comme l’a rappelé cet arrêt, en cas de cession en cours d’exercice, la répartition des résultats entre l’associé cédant et l’acquéreur n’a pas d’influence sur l’imposition des associés d’une société de personnes. Ce sera en effet l’acquéreur qui sera imposé à la clôture de l’exercice pour l’intégralité des bénéfices réalisés pendant l’exercice. Toutefois, il faut tenir compte de cette répartition pour déterminer la date de prise d’effet de l’acte de cession. C’est cette date qui fixe le transfert de propriété des parts sociales et qui est, elle, opposable à l’administration fiscale. L’administration doit la prendre en compte pour déterminer les associés qu’elle pourra soumettre à l’imposition à la clôture de l’exercice.

Par ailleurs, comme on l’a évoqué précédemment, il serait possible de procéder à une distribution du bénéfice avant la cession des parts au profit de l’associé cédant.Rien n’interdit de procéder à une distribution du bénéfice plusieurs fois dans une même année. Il faudra simplement respecter la procédure ordinairement exigée, c’est-à-dire arrêter les comptes et les soumettre à l’approbation des associés en assemblée générale en vue d’une distribution du résultat.

L’associé sortant bénéficierait ainsi d’une créance actuelle de dividendes contre la société, dont il devrait pouvoir se prévaloir devant l’administration fiscale. En effet, le Conseil d’Etat a déjà considéré qu’un « acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l’administration ». Les associés étant imposés « pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société », selon les termes de l’article 8 du CGI, le cédant devrait être imposé à raison de la quote-part de bénéfices sur laquelle il a acquis un droit du fait de la distribution des dividendes, l’acquéreur ne pouvant pas percevoir de dividendes sur le bénéfice déjà distribué.

Source: Fidroit